• Le Vin (page 2)

     

    Le Vin (page 2)

     

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    CHANTONS LE VIN

    Raoul Ponchon

    poète français (1848 – 1937

     

    Ô vin splendide et salutaire,

    Reine suave des boissons,

    Délicate fleur de la terre

    Fleuris toujours dans mes chansons.

     

    Vin rieur qui ris dans les verres

    Avec tes bons yeux de velours

    Tu dérides les plus sévères

    Et tu dégourdis les plus lourds.

     

    Ô vin plus frais que les grenades

    Et plus pimpant que le printemps

    Puissant réconfort des malades

    Et remède des bien portants ;

     

    Frivole muse des poètes,

    Verve suprême des vieillards,

    Tu fais pépier dans leurs têtes

    De petits oiseaux babillards ;

     

    Tu rends la femme moins farouche

    Vin de tendresse et de gaîté,

    Et tu mets au coin de sa bouche

    Une lueur de volupté.

     

    Quant à moi, je t’aime avec rage

    Ô mon doux soleil automnal,

    Couleur de force et de courage

    Chaud tout ensemble et virginal.

     

    Que de fois les soucis, les fièvres,

    Les chagrins, les pensers mauvais

    Ont fui de moi comme des lièvres

    À l’instant que je te buvais.

     

    N’es-tu pas la belle semence

    Qui toujours lève ? Est-ce pas toi

    Par qui la rose de clémence

    S’épanouit au cœur d’un roi ?

     

    N’est-ce pas toi, vin pitoyable

    Qui mets un rayon de soleil

    Dans le cerveau du pauvre diable

    Pour qui tout est nuit et sommeil.

     

    Je te bois, vin de Sapience !

    Et voici mon maître aux abois :

    Tu m’infuses toute science,

    Quand je te bois, quand je te bois.

     

    Tu me plains et tu me consoles,

    Tu me persuades le bien,

    Tu me dis de bonnes paroles

    Tout bas comme un ange gardien.

     

    Quand je te bois, vin admirable !

    Tout me ravit, flatte mes yeux,

    Je trouve tout le monde aimable

    N’importe quoi délicieux.

     

    Toutes choses me semblent claires,

    Vin véridique et triomphant ;

    Et tu dissipes mes colères

    Avec un sourire d’enfant.

     

    J’ai l’illusion d’être juste

    Et bon, innocent comme un nid,

    Il me semble qu’un geste auguste

    Sur mon front plane et me bénit.

     

    La vie en moi se renouvelle

    La grâce entre par mon gosier ;

    Mon sang fait le beau, ma cervelle

    Devient souple comme l’osier.

     

    Tous mes sens crient à ton passage,

    Je vibre du crâne au talon :

    Pour te savourer davantage

    Que n’ai-je un cou trois fois plus long.

     

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